samedi, novembre 04, 1995

Un sport cousu d’or mais sans argent

« Médailles olympiques cherchent partenaires. Prix à débattre », cette petite annonce, parue au lendemain des jeux Olympiques de 1992, a été publiée dans la presse quotidienne à la demande de... la Fédération française de handball. « Les Bronzés » nous avaient amusés puis fait vibrer au cours des JO de Barcelone, avant que le handball national ne retourne à sa routine ordinaire. Dans le même temps, les soutiens économiques ne se bousculant pas au portillon, la fédération eut l’idée de cette annonce. Histoire de susciter d’hypothétiques sympathies dans le milieu des sponsors.

Sans succès. Et le même scénario s’est reproduit cette année, quand l’équipe de France masculine a réussi une première dans l’histoire du sport français. D’Islande, « les Bronzés » ont ramené de l’or mais pas d’argent. L’effet champion du monde n’aura duré que le temps de l’effet JO, c’est-à-dire quelques jours. Le handball monte en régime jusqu’à l’euphorie, l’embellie même, puis retombe dans le train-train du championnat, le schéma se reproduit imperturbablement.

« Personnellement j’y vois deux aspects, sportif et médiatique », affirme Jean-Claude Tapie, président de l’Olympique de Marseille Vitrolles. « Sur le plan sportif, le handball ne retombe pas, ni au plan national ni dans les clubs. Au plan médiatique, on ne retombe pas non plus puisqu’il n’y a pas de... retombées. On fait un peu de foin le jour du titre et puis plus rien. En ce moment la France joue contre la Belgique, qui en parle ? Avec trois matches de foot par jour à la télé, personne ne peut lutter. En plus, en Europe, c’est le bordel : le championnat d’Europe de hand se déroulera en même temps que l’Eurofoot ! »

C’est d’ailleurs pour pallier une carence relationnelle que la FFHB a créé, l’an dernier, une cellule de communication avec, à sa tête, un ancien DTN, Jean Férignac, et un journaliste, André Garcia. Entre-temps, le handball a franchi le pas du professionnalisme, notamment sous la houlette de Jean-Claude Tapie, qui fut le premier à payer des handballeurs à plein temps, alors qu’il était président à Créteil. Aujourd’hui, à Vitrolles, son jeune club (né en 1991) a à son actif une Coupe d’Europe, mais, dans le même temps, le budget a cru jusqu’à 12 millions de francs pour cette saison. Et cette croissance s’est faite pratiquement en dehors des sponsors, comme le reconnaît Jean-Claude Tapie : « Sur 12 millions, plus de 60% proviennent des collectivités locales. » Ailleurs, la part des fonds publics approche les 90%, même à Montpellier, le champion sortant, dont le budget tourne autour des 8 millions de francs (la majorité des quatorze clubs de division 1 ont un budget de 3 millions environ). Le vent de surenchère financière qui s’est emparé du hand français a tout de même laissé sur le carreau des clubs aussi prestigieux que Vénissieux ou Nîmes, minés par les déficits chroniques.

Pour Jean-Pierre Lacoux, le président de la FFHB, les sponsors ne viennent que lorsqu’un sport est « porteur ». « Les télévisions nationales - car France 3 donne des images régionales - pratiquent un certain ostracisme à l’égard du handball. Elles réservent leurs moyens à des sports qui représentent un marché. C’est pourquoi l’on voit tant de golf, de ski, de voile, de sport automobile... le football étant un cas à part. A mon avis, elles sont dans l’erreur, car, à l’étranger, le handball a souvent une place importante, comme en Allemagne ou en Espagne, où il est devant le basket », résume le président de la FFHB.

En tout cas, contre vents et marées, le public répond présent dans les salles. « En région parisienne, les clubs ne font pas le plein à chaque match, c’est aussi parce qu’il y a beaucoup d’autre spectacles et cela ne touche pas seulement le handball. Mais, dans d’autres villes, il y a un regain d’intérêt, Montpellier en tête », estime Jean-Pierre Lacoux. « Nous, on remplit toutes les salles chaque fois qu’on se déplace », affirme Jean-Claude Tapie. « A Toulouse, à Gagny, à Ivry, à Sélestat, on joue à guichets fermés, et à Istres, pour le derby, n’en parlons pas. Ceci dit, à la maison on a du mal à remplir la salle. Cette saison, les premiers matches se sont déroulés le mercredi et on a tourné avec une moyenne de mille personnes. »

Le public du handball, plutôt jeune, continue toutefois à se recruter parmi les inconditionnels. Alors, à l’avenir, « les Bronzés » aimeraient bien accueillir quelques sponsors tout aussi passionnés, histoire d’exister encore après Atlanta.

PIERRE MICHAUD.

Article paru dans l'Humanité édition du 4 novembre 1995.