vendredi, février 24, 2006

Le hand veut s’afficher


Ce titre de champion d'Europe aurait pu être une consécration pour la génération post-Jackson Richardson. Une forme de libération aussi. Débarrassés de l'escorte tutélaire de ses glorieux anciens [champions du monde en 1995 et 2001), les coéquipiers de Nikola Karabatic pensaient accéder au statut de héros national par la grâce d'une victoire en finale contre l'Espagne [31-23], un dimanche après-midi de février.

Mais voila, leur victoire a fait « pschitt! ». Opposés aux rugbymen de (équipe de France qui, au même moment, jouaient en Ecosse leur match d'ouverture du Tournoi des Six Nations [diffusé sur France 2], les handballeurs se sont inclinés sur le terrain des télés hertziennes.

« Dans l'esprit des dirigeants de France Télévisions, le hand ne fait pas le poids face au rugby, » regrette Karabatic, meilleur buteur de la finale. Finalement, ses onze buts n'ont été vus que par 800 000 abonnés de Canal Plus. «Il reste une frustration, reconnait aujourd'hui le gardien Thierry Omeyer. Celle de n'avoir pas partage cette victoire avec le maximum de Français ».

« Pot de terre contre pot de fer »

Cette déception cathodique, les Bleus l’ont difficilement acceptée. Emmenés par leur capitaine Olivier Girault, ils se battent en effet depuis plusieurs mois pour promouvoir l'image de l’équipe de France auprès du public et même de leurs propres clubs. «En réalité, le détonateur s'est déclenché fin octobre, lors de la Super Cup », rappelle Olivier Girault. Pour cette compétition amicale, les joueurs sélectionnés par Claude Onesta répondent présent. Tous, sauf un. « Alors qu'il était en pleine forme, Jérôme Fernandez a été mis sur la liste des blessés par son club, le FC Barcelone, pour qu’il ne vienne pas jouer avec nous

Même drapé dans un maillot bleu, le pot de terre se heurte au pot de fer. Le premier choc est brutal. «Il faut savoir qu’à Ciudad Real, en Espagne, on propose des primes aux joueurs internationaux pour qu'ils renoncent à leurs équipes nationales », ajoute Girault. «Jusqu'a quand l'amour du maillot sera-t-il suffisant pour attirer les meilleurs joueurs en sélection ? » S’interroge le capitaine. Cette équipe a une âme, une histoire mais... Chaque joueur a reçu une prime de 30 000 € pour le titre de champion d'Europe : ce n’est pas grand-chose pour un joueur qui évolue en Espagne ou en Allemagne. Outre-Rhin, là le handball est roi, les Français jouissent en effet du statut de star et des émoluments qui vont avec. «J'ai multiplié mon salaire par cinq en quittant Montpellier, explique Karabatic, transféré l'été dernier à Kiel, champion d'Allemagne en 2005. A Hambourg, le pivot Bertrand Gille gagne 1 million d'euros net par an. Soit 10% du budget de la fédération française !

A la « fédé», justement, on commence à prendre conscience de l'ampleur du problème. Le président André Amiel devait recevoir, jeudi, Claude Onesta et Olivier Girault. Au service marketing, on attend avec impatience l'arrivée d'un nouveau partenaire. Une banque, parait-t-il ...

Le hand veut s’afficher / Ronan Folgoas. - Sport, 24 février 2006, n° 82, pp. 24-25