mardi, février 07, 2006

Comme d'habitude !


Les courriels ne cessent d'arriver à la Fédération. Tous disent leur mécontentement de n'avoir pu suivre la finale victorieuse sur une chaine de télévision hertzienne. De France Télévision à Canal+, on se renvoie la balle par-dessus la Seine. Pourtant, le problème n'a fait rire ni les joueurs, ni André Amiel qui comptent bien ne pas en rester là. Petite explication de textes.

Bien que la Fédération française de Handball soit liée par contrat avec Sport+ afin d'assurer la diffusion des rencontres des équipes de France en France, pour les championnats d’Europe c’est la fédération européenne qui est propriétaire des images et qui les a vendu a Canal+ .

Le championnat d’Europe était donc la propriété de Canal + qui a offert aux chaînes hertziennes d’acheter la finale ce qu’elles ont refusé.

Dans la mesure où Canal+ est une chaîne à péage, la loi de 1986 relative à la liberté de communication "fixe les conditions dans lesquelles doit être assurée la retransmission exclusive des événements majeurs afin qu'une partie importante du public ne soit pas privée de la possibilité de les suivre sur un service de télévision à accès libre."

Et le décret d'application précise clairement les événements concernés: "La liste des événements prévue à l'article 20 de la loi comprend les finales masculine et féminine du Championnat d'Europe de handball lorsque l'équipe de France y participe."


"Comme à chaque fois, nous avons proposé la rencontre aux chaînes hertziennes au prix de 400.000 euros, raconte Alexandre Bompard, le directeur des Sports de Canal+, précisant que "ce type d'événement se propose entre 350 et 400 000 euros, avant d'être renégocié.". Et là, on parle gros sous. " Selon Daniel Bilalian, son alter ego à France Télévision, le tarif proposé par Canal+ n'est pas négociable. L'ancien présentateur du journal de 13h crie au scandale "C'est un tarif exorbitant, dit-il, c'est une façon pour Canal de contourner la réglementation, et cela s'apparente à une forme insidieuse de refus de vente". Selon lui, Canal aurait proposé un prix trop élevé, pour être certain que personne n'achète les droits.

Du côté du service des sports de Canal+, on s'étonne du comportement de France Télévision. "D'habitude, raconte Bompard, nous proposons un prix puis l'acheteur nous fait une contre-proposition et nous pouvons commencer à discuter. Là, rien de tout cela, nous n'avons reçu aucune contre-proposition. Il n'y a donc pas eu de négociation. Par ailleurs, France Télévision aurait trés bien pu demander l'arbitrage du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel. Ils ne l'ont pas fait."
Pour le patron des sports du groupe Canal+, la réalité est tout autre. " La vérité est beaucoup plus simple et je ne comprends pas la réaction de Bilalian, il aurait été plus simple d'expliquer que France 2 devait diffuser Ecosse-France pour le compte du Tournoi des Six Nations presque à la même heure, cela devenait donc compliqué pour France Télévision." Alexandre Bompard remarque d'ailleurs que dans la même situation il aurait été bien embêté.


Si entre les deux hommes, l'assaut fait figure d'escarmouche entre gens de bonne compagnie. A Gentilly, en revanche, les murs de la Fédération tremblent encore de la colère du Président André Amiel: " Je vais étudier tout cela juridiquement. Il y a tout de même une loi. On s'est retrouvé dans la même situation que le basket, il y a quelque temps et pourtant on avait anticipé cela en intervenant il y a plus d’une semaine auprès de France télévision, Canal+ et le Ministère . C'est un vrai problème et il va falloir le régler, quand je pense que les filles et les garçons ont déjà fait 3 fois plus de 10 millions de téléspectateurs sur France télévision en 1999, 2001 et 2003, je me demande à quoi joue le service public."

Si à la Fédération on comprend que France 2 se soit trouvée coincé par d'autres engagements, on s'explique mal que la finale n'est pas été programmée sur France 3, autre chaîne du service public. Car, comme d’ habitude, nos handballeurs ont fait un très bon score sur la chaîne cryptée. "Nous sommes très satisfaits de la diffusion de cette finale. Au-delà de notre attachement au handball et aux équipes de France, environ 20% de nos abonnés ont suivi la retransmission avec des pics à 30%," conclut Alexandre Bompard.

Dans tous les cas, les brouilles entre France Télévision et le handball français ne datent pas d'hier. On se souvient que Stade 2 avait frileusement diffusé quelques extraits seulement de la finale de la Ligue des Champions remportée par Montpellier, arguant de l'impossibilité de l'exploit (Montpellier avait remonté huit buts de retard à Pampelune, l'ancienne équipe de Jackson Richardson).
Pour le Président de la Fédération la plus titrée en sport collectif (deux titres, une médaille d'argent et trois de bronze aux Championnats du Monde, un titre de Champion d'Europe et une médaille de bronze aux J.O. de Barcelone), le problème est plus pernicieux. "Au moment où nous avons lancé les appels d'offres pour le hand féminin et les matches en France, nous les avons contactés. Non seulement, ils n'ont même pas pris la peine de répondre à l'appel d'offre, s'emporte André Amiel, mais Monsieur Bilalian n'a même pas eu la correction de me rappeler quand j'ai cherché, deux fois, à le joindre. Ce monsieur se moque éperdument de nous. Un point, c'est tout ! Et le service public semble n’avoir de public que le nom, car c’est quand même les citoyens qui payent la redevance."


La médiation de Jean-François Lamour n'y a rien changé, seuls les abonnés de Sport+ et Canal+ ont pu suivre ce moment merveilleux Ce moment où vous, moi, les téléspectateurs se prennent tous pour Mickaël Guigou ou Nikola Karabatic. Au moment de regagner Kiel, le jeune champion d'Europe n'a pas pu voulu cacher sa colère : "Ca m'énerve vraiment profondément, c'est pour ça que je suis parti jouer en Allemagne. Là-bas, on respecte le handball."

Handline, n°14, 7 février 2006