lundi, mai 24, 1999

Stoecklin : le Ninja bleu

À huit jours du Mondial égyptien, l’équipe de France termine à la place du 13e tournoi de Paris-Bercy. Entretien avec un rescapé des Barjots, Stéphane Stoecklin.

Pourquoi avez-vous quitté le championnat Allemand, qui est le meilleur du monde, pour le Japon ?

Dans la vie, il y a des choses qui ne se refusent pas. On me proposait plus du double au niveau salaire. Au GWD Minden, je gagnais 60 000 francs mensuels. Au Japon, cela tourne aux alentours de 140 000 francs net par mois. Je pouvais assurer mon avenir en restant en Allemagne, mais à Suzuka, je l’assure encore plus.

Vous avez peur du futur ?

Stéphane Stoecklin. Si on jouait jusqu’à l’âge de soixante-cinq ans, il n’y aurait pas de problème. Mais on s’arrête à trente-cinq ans et on est imposé comme tout le monde. En France le plus gros salaire c’est 30 000 francs par mois. À l’étranger, les salles sont pleines, on gagne plus et c’est net d’impôts.

Comment s’est passée votre première saison au Japon ?

Stéphane Stoecklin. On a fait le doublé coupe-championnat. Avec Frédéric Volle on a été très bien accueilli. Il n’y a que quatre étrangers dans le championnat (deux Français, un Russe et un Espagnol). On apporte notre expérience et ils nous donnent la discipline.

Vous avez signé pour trois ans et après ?

Stéphane Stoecklin. Je m’y plais beaucoup. Je vais resigner pour deux ans et y terminer ma carrière. De toute façon, je ne veux pas revenir en France, et encore moins en Allemagne car j’ai pris le rythme japonais. En plus, Frédéric Volle qui est un super pote va devenir l’entraîneur du Suzuka Honda.

N’est-ce pas un handicap de jouer dans un championnat de huit équipes, soit seulement quatorze matches ?

Stéphane Stoecklin. C’est un deal avec Daniel Constantini : j’aurais ma place en équipe de France tant que je serai en forme. Alors, je soigne ma condition physique. Au début du mois de mai pour la préparation, j’étais un peu à la rue. Mais je serai prêt pour l’Égypte.

Et la brouille avec Daniel Constantini ?

Stéphane Stoecklin. Dans un couple, il y a toujours des brouilles ! Pour le championnat d’Europe, il m’a fait jouer sur l’aile alors que j’apporte plus en étant arrière. On s’est un peu énervé. On a discuté et tout est rentré dans l’ordre.

Comment voyez-vous votre avenir en équipe de France ?

Stéphane Stoecklin. Mon avenir n’est pas en équipe de France, mais au Japon. Quand on a vingt ans, cela ouvre les portes pour l’étranger. J’en ai trente. L’équipe de France ne peut plus rien m’apporter. Lors du championnat d’Europe (NDLR : la France a terminé 7e), j’ai trouvé le temps long. Mais Daniel m’a rappelé. J’aimerais aller à Sydney : trois olympiades pour un sportif, c’est pas mal. En revanche, si on ne se qualifie pas, il faudra laisser la place aux jeunes.

Avec Jackson Richardson vous êtes le dernier Barjot. Pensez-vous avoir un rôle particulier à jouer ?

Stéphane Stoecklin. Quand on nous a demandé d’être capitaine, on a refusé. Ce n’est pas notre mentalité. On veut qu’ils connaissent ce que l’on a vécu. C’est un bon groupe. Ils sont respectueux.

C’est important le respect ?

Stéphane Stoecklin. Quand je suis arrivé en équipe de France, je l’étais. Ce que je veux dire c’est qu’ils doivent être à l’écoute. Mais le chef, c’est Constantini.

Que pensez-vous de l’évolution médiatique du handball ?

Stéphane Stoecklin. La fédération a fait des erreurs. En 1992, on décroche la médaille de bronze au JO de Barcelone, elle ne sait pas réagir et médiatiser la performance. OK. Mais quand la France devient championne du monde en 1995 ! On sait qu’on ne joue pas au foot, mais quand même... Qu’est-ce que les gens auront retenu du handball français des dix dernières années ? Une coupe de cheveux : les Barjots. Nous, on a fait notre boulot. Pas la fédération.

Entretien réalisé par Nicolas Guillermin pour l'Humanité