lundi, mai 22, 1995

France : une équipe en or

Quand Daniel Costantini récupère l'équipe de France en 1985, elle venait d'être rétrogradée dans le Mondial C. Dès l'année suivante, elle remonta et, progressivement, se hissa dans la hiérarchie. Dixième du Mondial 1990, elle obtint le bronze olympique en 1992 à Barcelone et l'argent l'année suivante au Mondial de Suède. Et, hier en fin de journée, devant plus de 4 000 spectateurs sur le parquet de Laugardaksholl de Reykjavik, elle a battu la Croatie en finale du Mondial et offert à la France son premier titre mondial dans un sport collectif.

Grâce d'abord à de longs stages, notamment avant Barcelone, sous la direction de Daniel Costantini, le sept tricolore devint une équipe de niveau mondial, avant de franchir un nouvel échelon grâce à l'arrivée de jeunes joueurs de grand talent. Pourtant, le travail en commun devenait moins fréquent, les clubs renâclant à libérer les Internationaux. Aussi, souvent décevants dans les matches amicaux ou lors de ce premier tour de ce Mondial, les Tricolores donnèrent bien des inquiétudes à leurs supporters.

Mais, à partir des huitièmes de finale, une extraordinaire motivation et un formidable esprit d'équipe les ont habités et ont permis de compenser leur handicap habituel, le manque de finition au tir. Et surtout, ils ont trouvé depuis ce huitième de finale contre l'Espagne une défense que même Costantini n'est pas capable d'expliquer, car elle n'a absolument pas été travaillée lors des stages. Et, second bonheur inespéré, les gardiens se sont réveillés, permettant ainsi à la France de se parer d'or, alors qu'avant le Mondial, elle n'était pas sûre d'obtenir sa qualification pour Atlanta, c'est à dire finir parmi les sept premiers ! "Indéniablement, remarque Costantini, c'est la victoire des joueurs, pas la mienne."

Face à la Croatie, vainqueur précédemment de la Russie et de la Suède, les Tricolores ne parurent jamais en danger. Bien entrés dans le match grâce aux contre-attaques, les nouveaux champions comptèrent ensuite comme argument offensif principal l'arrière droit Stoecklin, qui bénéficia de la fixation des Croates sur le pivot Kervadec. La chance de la France fut sa richesse, car quand Delattre cessa d'être efficace, Martini entra en cage et fit des arrêts décisifs. Et puis Monthurel qui remplaça Kervadec sur la fin transforma aussitôt ses trois tirs.

Ainsi, même avec Volle et Lathoud sans réussite (le gardien Matosevic fut le seul Croate à gêner les Tricolores), la France ne trembla jamais, forte de sa formidable défense.

Après les hymnes, que les Tricolores écoutèrent en se tenant par les épaules et les hanches, comme ils le font depuis les huitièmes de finale, les événements s'enchaînèrent à merveille. Les Français descendirent d'entrée en 5-1, avec Anquetil, Kervadec, Volle, Quintin et Richardson devant, Mahé laissant sa place à Stoecklin en attaque. Ce fut très efficace, Richardson gênant la circulation de balle adverse (2-0, 3e).

Face à l'habituelle zone 3-2-1 des Croates, les Français firent entrer Richardson en deuxième pivot et se détachèrent malgré un déchet dans les tirs (4-1, 7e). A la 10e minute, Lathoud remplaça Richardson en attaque; encore un choix systématique depuis les huitièmes de finale.

Devant l'échec de l'arrière droit Saracevic, qui cherchait à tirer seul alors qu'il était muselé par Richardson (1-5, 12e), l'entraîneur croate le sortit afin d'obtenir un jeu plus collectif. Il remplaça également son autre tireur, Puc, cherchant vainement la bonne formule face à la défense française. Et seuls les échecs au tir empêchèrent les Tricolores de se détacher plus nettement (8-3, 20e; 8-5, 22e). Les Croates décidèrent de passer en 4-2, incitant les Français à écarter l'attaque où Richardson avait retrouvé sa place. Mais ils semblaient toujours voués à l'échec (6-11, 29e). A la reprise, ils optèrent pour une 5-1 avec Cavar avancé. Et grâce à son talent, Smajlagic tenta de relancer ses compatriotes (8-11, 34e). Mais ne jouant pas collectivement, la Croatie ne profita guère de l'exclusion de Munier (9-12, 38e).

Echouant dans ce secteur central, les Croates cherchèrent les ailes mais parurent déjà résignés, se repliant sans conviction lors des contre-attaques adverses (10-16, 44e). Depuis le début de la seconde mi-temps, Munier était entré à la place de Stoecklin afin de donner davantage de tonus à l'attaque. Le match n'en était plus un, les Croates tirant précipitamment, ne trouvant toujours pas de solutions.

Et même la sortie (uniquement en attaque) de Kervadec, légèrement boitillant, ne pénalisa pas la France, puisque Monthurel marqua immédiatement (20-14, 53e). L'exploit était là et bien là. La France avait enfin une équipe en or.

D'un de nos envoyés spéciaux à Reykjavik André-Arnaud FOURNY

L’Équipe 22 mai 1995