mardi, décembre 16, 2003

Le handball, roi des sports tricolores



Trois titres mondiaux de 1995 à dimanche soir. Le handball français surclasse en médailles tous les autres sports collectifs. Explication d’un phénomène.

Le handball corne d’abondance des sports collectifs français. C’est désormais un statut établi après cette finale mondiale remportée par les filles dimanche soir. La discipline fait aujourd’hui figure de filière d’excellence reconnue du monde entier, bien sûr, mais aussi des autres sports collectifs français, ce qui n’est jamais gagné d’avance. Ainsi, l’ancien directeur technique national du rugby, Pierre Villepreux, n’hésitait-il pas à dire dans ces colonnes hier que le hand était l’exemple à suivre, tant pour sa politique de formation que pour sa gestion du haut niveau.

Le succès de ce petit ballon râpeux hexagonal se mesure d’abord aux nombres de médailles. Si les filles viennent d’obtenir leur premier couronnement mondial, elles étaient déjà vice-championnes planétaires (1999) et avaient achevé le championnat d’Europe 2002 avec une médaille de bronze au cou. Seul le parcours olympique à Sydney (6e en 2000) n’a pas été à la hauteur de cette formidable génération.

Côté hommes, les résultats ont été si excellents depuis dix ans qu’ils ont laissé dans la mémoire collective du sport français les empreintes indélébiles des " Barjots " et des " Costauds ". Ce sont eux qui ont enclenché la spirale des victoires françaises. Aux jeux Olympiques de Barcelone, en 1992, une sélection d’inconnus, aux coupes de cheveux iroquoises, aux tatouages colorés et à l’esprit givré, décroche la médaille de bronze. La bande de Costantini prenait son envol. Les Stoecklin, Richardson, Volle ou Mahé débutaient leurs règnes. Médaille d’argent au Mondial 1993, médaille d’or à celui de 1995, médaille en chocolat (4e) aux JO d’Atlanta, médaille de bronze aux championnats du monde 1997, de nouveau le titre planétaire en 2001 en France, et le bronze cette année. Seuls les championnats d’Europe sont passés au travers de la furia bleue (4e en 2000, 6e en 1994 et 2002, 7e en 1996 et 1998).

Les clubs n’ont pas été en reste. Le triplé historique de Montpellier en fin de saison dernière en est le meilleur reflet : Coupe de France, championnat hexagonal et Ligue des champions. En 1993, l’OM Vitrolles avait amorcé la pompe, toujours chez les garçons, avec un succès en Coupe des Coupes. Dix ans plus tard, les filles de Besançon ont décroché la même Coupe d’Europe, et Nîmes inscrivait l’année d’avant (2002) son nom au palmarès de la Challenge Cup.

Comment expliquer cette razzia ? Aucun autre sport collectif français n’a réussi à faire autant. Même pas les grands frères plus fortunés que sont le foot et le rugby. Le ballon rond est certes champion du monde 1998 et double champion d’Europe (1984 et 2000), mais n’est présent au palmarès continental des clubs que grâce à Marseille (Coupe des clubs champions, 1993) et au PSG (Coupe des Coupes, 1996). L’Ovalie a atteint deux fois la finale mondiale (1987 et 1999) et a été à trois reprises championne d’Europe des clubs (Toulouse en 1996 et 2003 ; Brive en 1997). Qui donc est l’étincelle de cette flamboyante décennie du handball ? " Pour moi, c’est Daniel Costantini, explique son successeur entraîneur des Bleus Claude Onesta*. C’est lui le premier qui a osé dire que nos piètres résultats n’étaient pas une fatalité. C’est lui qui a su fédérer les volontés. Ensuite, il y a eu les premiers fruits des sports études. Peu à peu, toute la chaîne, de la détection aux équipes de France, s’est structurée. Aujourd’hui, les Barjots disparaissent un à un et les résultats restent. C’est peut-être un peu plus fragile chez les filles, mais on commence à entendre parler de centres de formation. "

Prenez des hommes de caractère (comme Costantini et Onesta chez les garçons, Krumbholz chez les filles) et laissez-les tirer profit des filières de détection qui assurent l’éclosion de joueurs tels que Leïla Lejeune ou Jackson Richardson. Vous obtenez une moisson de médailles. À l’heure où le modèle français de formation est remis en cause dans plusieurs disciplines, les handballeuses championnes du monde adressent un pied de nez à tous ceux qui voudraient casser ces machines à victoires.

* L’Équipe du 15 décembre 2003.

Source : Stéphane Guérard. - l'Humanité, édition du 16 décembre 2003